Le texte

« Aujourd’hui je ne viens pas pour vous amuser. Je n’en ai ni l’envie, ni le goût, ni le désir. Je suis plutôt venu me battre. Me battre au corps à corps contre une masse tranquille, car ce n’est pas une conférence que je vais vous donner, c’est une lecture de poésies, de ces poésies qui sont ma chair, ma joie et ma peine… »

Le texte :

« Un poète à New York » est une lecture de poèmes donnée par Lorca sur son séjour à New York en 1929 : ses impressions en visiteur solitaire de la ville, son voyage, ses rencontres… s’entremêlent à la lecture des poèmes qu’il écrivit à cette période.
Ce texte nous apporte les clés d’un épisode essentiel de la vie de Lorca, qui marque un tournant définitif dans sa production poétique et théâtrale.
Il traverse alors une profonde crise personnelle et artistique et rapproche son écriture des mouvements d’avant-garde, qui fleurissent à Paris, et dont Dalí et Buñuel lui parlent sans cesse.
Il s’approprie ce souffle novateur et crée une poésie unique, pleine de « claire conscience » (comme il affirmait lorsque l’on qualifia ses poèmes de surréalistes) et d’un symbolisme particulier dont son oeuvre restera imprégnée par la suite.
Le récit de ce voyage jette une lumière particulière sur ces poèmes profondément symboliques et d’un accès non aisé à la première lecture.

« Car la qualité d’un poème, d’un poète, ne peut jamais être appréciée à la première lecture, d’autant plus cette sorte de poèmes que je vais lire, qui, pleins comme ils le sont de faits poétiques, répondant exclusivement à une logique lyrique et densément empêtrés dans le sentiment humain et l’architecture du poème, ne peuvent pas être compris rapidement sans l’aide cordiale du Duende. »

L’acteur appelle le Duende : il met au service du poème et du public toutes les fibres de sa sensibilité et de son imaginaire pour rendre la métaphore concrète, palpable. Le verbe, incarné par le comédien, devient saisissable.

L’imaginaire de Lorca s’exprime par métaphores dans lesquelles s’opposent la nature et la ville à travers l’expression passionnée d’un univers empli de paysages et de personnages baignés de symbolisme. Ce désarroi se transforme en cri de colère devant une civilisation sans racines, où la technique, la machine, la finance, étranglent la vie.
Nous découvrons un Lorca bouleversé et fortement déstabilisé, immergé dans un univers totalement étranger à son Andalousie natale. Dans ces longs poèmes, il donne de la voix au déchirement qui l’habite, blessé comme il est dans son amour d’homme, mais aussi fortement impressionné par ce nouveau monde qu’il découvre : monde de « géométrie et d’angoisse », monde « frénétique et sans racines », monde où cohabitent les riches blancs de Manhattan, « des suicidés aux mains pleines de bagues », avec les noirs de Harlem « qui représentent, n’en déplaise à certains, l’élément le plus spirituel et le plus délicat de ce monde ».

Oda al rey de Harlem
¡Ay Harlem! ¡Ay Harlem! ¡Ay Harlem!
¡Ay, Harlem! ¡Ay, Harlem! ¡Ay, Harlem!
No hay angustia comparable a tus ojos oprimidos,
Il n’y a pas d’angoisse comparable à tes yeux opprimés
a tu sangre estremecida dentro del eclipse oscuro,
a ton sang frémissant dans l’obscure éclipse
a tu violencia granate sordomuda en la penumbra
à ta violence grenat sourd-muette dans la pénombre
a tu gran rey prisionero, ¡con un traje de conserje!
à ton grand roi prisonnier, en tenue de concierge !

Traduction – Adaptation

La traduction d’un texte, surtout en poésie, implique un processus d’adaptation.
Ici la traduction est faite en fonction d’une mise en scène et d’une lecture particulière et nouvelle de cette pépite de la littérature espagnole.
C’est une adaptation au service du jeu du comédien et d’un lien très étroit crée avec le spectateur.
Mise en scène de l’intime qui creuse les mystères de ce texte pour développer l’imaginaire de celui qui écoute et écarte tout le reste en quête de l’essentiel.